– Nader Ansary, VP, Marchés spécialisés
Rédigé par Glenn Stephens, LL.B., TEP, FEA, Consultant indépendant
Article du blogue ACES – 23 mai 2025
Introduction
De nombreux parents souhaitent offrir une protection d’assurance vie à leurs jeunes enfants. Les prestations sont généralement versées au décès de l’un ou des deux parents. Dans ces cas, il est essentiel de prévoir des dispositions fiduciaires appropriées afin de protéger les intérêts des enfants.
Il existe également de nombreuses situations où un enfant adulte est désigné comme bénéficiaire. Cette personne peut être en mesure de gérer les fonds sans qu’une fiducie soit requise, mais certaines désignations apparemment simples peuvent poser problème.
Ce billet examinera des erreurs fréquentes et des conseils de planification relatifs à ces deux types de désignations.
Fiducies testamentaires d’assurance vie pour enfants mineurs
Lorsqu’il est prévu que des enfants mineurs bénéficient du produit d’une assurance vie, l’utilisation d’une fiducie testamentaire d’assurance vie (« FTAV ») est recommandée. Il s’agit d’une fiducie testamentaire puisqu’elle ne prend effet qu’au moment du décès de l’assuré. Comme toute fiducie, les sommes sont reçues par le(s) fiduciaire(s) et gérées conformément aux dispositions prévues, lesquelles sont déterminées par le propriétaire du contrat via une désignation de bénéficiaire. Une FTAV peut être créée de trois façons, décrites ci-dessous.
(i) Formulaire de la compagnie d’assurance
Une FTAV peut être créée directement sur le formulaire de la compagnie d’assurance en indiquant, par exemple, que les prestations seront versées « à ma sœur Sarita en fiducie pour mes enfants Josh et Hanna ». Si l’assuré décède et que Sarita reçoit les fonds, une fiducie est créée et elle est légalement tenue de gérer les sommes au nom des enfants.
Cependant, cette fiducie simplifiée est déficiente à plusieurs égards. Par exemple, si les enfants sont mineurs, les fonds peuvent seulement être détenus jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge de la majorité, moment auquel ils peuvent recevoir leur part sans condition. La plupart des parents préféreraient que leurs enfants n’obtiennent pas des sommes importantes aussi tôt. De plus, cette méthode ne confère aucune discrétion au fiduciaire concernant les placements ou la distribution du revenu et du capital au profit des enfants pendant leur minorité.
Par conséquent, même si une FTAV peut être créée via le formulaire d’assurance, ce n’est pas la méthode recommandée.
(ii) Testament
Une désignation de bénéficiaire peut être faite dans un testament. Avec un libellé soigneusement rédigé, les fonds ne feront pas partie de la succession et ne seront pas assujettis à l’homologation ni aux réclamations des créanciers. Cette méthode permet des dispositions fiduciaires plus détaillées, offrant par exemple une large discrétion au fiduciaire quant au moment et à la façon de distribuer les fonds. Elle permet également de différer la distribution finale jusqu’à un âge jugé approprié, comme 25 ou 30 ans.
Malgré ces avantages, cette méthode présente certains inconvénients :
- Elle augmente le risque que la désignation soit contestée dans le cadre d’un litige relatif au testament, même si les fonds ne font pas techniquement partie de la succession.
- Modifier la désignation exige alors de modifier le testament, ce qui est plus complexe que de changer une désignation ordinaire.
- Si le testament est homologué, les termes de la fiducie et les autres dispositions deviennent publics, contrairement à la plupart des désignations de bénéficiaire.
- Une désignation irrévocable ne peut être faite dans un testament.
(iii) Document distinct
Une désignation avec des dispositions fiduciaires complètes peut être rédigée dans une déclaration séparée du testament. Elle présente les mêmes avantages qu’une désignation testamentaire, sans ses inconvénients. Dans bien des cas, il s’agit de la méthode la plus recommandée pour créer une FTAV.
Qu’elle soit intégrée à un testament ou à un document distinct, une FTAV correctement rédigée nécessitera les services d’un avocat. Cela peut sembler un obstacle coûteux, notamment pour les clients aux moyens modestes. Toutefois, ces frais sont justifiés lorsque l’objectif est la protection des enfants. Si les clients en profitent pour mettre à jour leur testament, les coûts supplémentaires devraient être minimes.
Désignation d’un enfant adulte comme bénéficiaire
Plusieurs décisions judiciaires au Canada ont abordé la notion de « fiducie résultoire » appliquée aux désignations de bénéficiaire. Ces causes concernent surtout les régimes enregistrés, comme les FERR, dans lesquels un enfant adulte du défunt a été désigné à l’exclusion de ses frères et sœurs.
Dans l’affaire Calmusky (Ontario, 2020), par exemple, la Cour a jugé que le bénéficiaire (le fils du défunt) détenait les fonds du FERR en fiducie résultoire pour la succession, ce qui signifiait que son frère y avait également droit. Le juge estimait que le bénéficiaire devait prouver l’intention du défunt de le favoriser exclusivement — ce qu’il n’avait pas fait. Toutefois, un autre juge de la même Cour a ensuite rendu une décision contraire dans l’affaire Mak Estate, concluant que le principe de fiducie résultoire ne s’appliquait pas aux désignations de bénéficiaire. La jurisprudence demeure donc incohérente et ce domaine du droit reste incertain.
Certains soutiennent que les désignations de bénéficiaire prévues par la loi (par exemple, en vertu de la Loi sur les assurances ou de la Loi portant réforme du droit des successions en Ontario) ne devraient pas être soumises aux fiducies résultoires. En tout temps, ces lois permettent à un individu de désigner sa succession comme bénéficiaire, si tel est son souhait.
Compte tenu de ces divergences jurisprudentielles et du risque de conflits entre bénéficiaires, il est essentiel pour les conseillers en assurance et en finances de bien documenter les intentions du client lors de toute désignation. Cela est particulièrement vrai lorsqu’un enfant adulte est désigné au détriment de ses frères et sœurs.