Pour notre premier blogue de l’année, nous avons demandé à Glenn Stephens, LL.B, praticien en patrimoine fiduciaire, conseiller en entreprise familiale et consultant indépendant, de nous fournir des précisions sur l’excellente présentation qu’il a faite à l’occasion de notre webinaire de printemps sur la planification nationale avancée en avril. Si vous avez manqué la présentation, cliquez ici cliquez ici pour visionner l’enregistrement publié sur HUBLink. Glenn a donné de nombreuses conférences et a beaucoup écrit sur la planification successorale, la fiscalité et l’assurance vie. Il est également l’auteur du livre Estate Planning with Life Insurance (Planification successorale utilisant l’assurance vie) dont la huitième édition a été publiée chez Wolters Kluwer CCH en 2021. Nous espérons que le blogue vous plaira.
Utilisation des fiducies dans le cadre d’un gel successoral
Écrit par Glenn Stephens, LL.B, TEP, FEA, Consultant indépendant
1. Structuration du gel et questions fiscales associées
Il y a parfois un prix à payer pour la possession d’une entreprise florissante et prospère. Plus les actions prennent de la valeur, plus les propriétaires sont exposés à l’impôt découlant de la « disposition réputée » de leurs actions au décès. Ce problème s’est encore accentué avec les modifications à l’imposition des gains en capital proposées dans le budget fédéral d’avril 2024. Le budget propose d’augmenter le taux d’inclusion de la moitié aux deux tiers pour les gains en capital supérieurs à 250 000 $ réalisés par les particuliers après le 24 juin 2024. Un gel successoral permet aux propriétaires d’entreprise de bloquer la valeur de leurs actions aux niveaux actuels et de transférer la croissance future de leurs capitaux propres à d’autres, généralement leurs enfants, soit par l’actionnariat direct, soit au moyen d’une fiducie familiale. Cela peut en pratique permettre le report de l’impôt sur la génération suivante.
Dans le cas d’un type simple de gel successoral, le parent échangerait ses actions ordinaires d’une société familiale, avec report d’impôt, contre des actions privilégiées ayant un prix de rachat fixe égal à la juste valeur marchande des actions ordinaires initiales. Les actions privilégiées s’accompagneraient normalement du contrôle des voix de la société et de privilèges en matière de dividendes. Le(s) parent(s) pourraient racheter de temps à autre les actions privilégiées (imposées au taux de participation) si des fonds étaient nécessaires pour couvrir les frais de subsistance.
Dans certains cas, les nouvelles actions ordinaires de la société sont achetées par les membres adultes de la génération suivante. Dans d’autres cas, notamment lorsque des enfants mineurs ou de jeunes adultes sont les bénéficiaires du gel, une fiducie permet de détenir les actions au nom des enfants. Les fiduciaires achèteraient les actions ordinaires pour un prix de souscription nominal, en utilisant les fonds apportés par le « constituant », c’est-à-dire la personne qui crée la fiducie. Afin d’éviter les « règles d’attribution » punitives, le constituant doit être un membre indépendant, hors famille, et ne doit généralement pas être impliqué au-delà de la signature de la convention de fiducie avec les fiduciaires et d’un don limité à la fiducie.
Les parents (entre autres) pourraient agir en qualité de fiduciaires pour les enfants et avoir le pouvoir, au moyen d’un document de fiducie écrit, de gérer les actifs de la fiducie en leur nom. Le document de fiducie pourrait également accorder aux fiduciaires le pouvoir discrétionnaire de distribution finale des actions, dans les proportions qu’ils auront définies, à un ou plusieurs enfants. Ainsi, les enfants devenus actifs dans la société pourraient éventuellement acquérir des actions en leur nom propre, à l’exclusion des enfants non actifs.
Outre les enfants, les parents eux-mêmes peuvent être bénéficiaires de la fiducie. Si les parents décident par la suite qu’ils ne souhaitent distribuer d’actions à aucun des autres bénéficiaires, ils peuvent lever le gel en se transférant les actions à eux-mêmes en tant que bénéficiaires de la fiducie. Les parents seraient alors à nouveau les seuls actionnaires de la société. Cette démarche irait bien sûr à l’encontre de l’objectif du gel, mais offre une protection dans le pire des cas. Le plus souvent, la distribution d’actions aux bénéficiaires de la fiducie est à imposition reportée.
Le recours à une fiducie pour détenir les actions d’une société familiale offre également des possibilités de planification fiscale en cas de vente des actions à un tiers. Si la fiducie réalise des plus-values lors de la vente et si ses actions sont admissibles à l’exonération des gains en capital, les bénéfices de l’exonération peuvent être partagés entre certains ou la totalité des bénéficiaires de la fiducie. Cela peut occasionner d’importantes économies d’impôt pour l’ensemble de la famille. L’exonération cumulative pour les actions admissibles en 2024 est de 1 016 836 $, bien que le budget de 2024 propose de la faire passer à 1 250 000 $ pour les dispositions effectuées après le 24 juin 2024. Elle continuera d’être indexée sur l’inflation dans les années à venir.
Une technique de plus en plus courante implique le recours à une société de portefeuille familiale (« Holdco ») comme bénéficiaire discrétionnaire de la fiducie. La fiducie détiendrait directement des actions de la société d’exploitation. Les dividendes pourraient être versés par la société d’exploitation à la fiducie, puis attribués à la Holdco et traités comme des dividendes intersociétés non imposables. Les actionnaires de la société de portefeuille peuvent être divers membres de la famille, dont les parents et les enfants. En possédant des actions d’une société d’exploitation plutôt que d’une société de portefeuille qui pourrait détenir des placements importants en plus des actions de la société d’exploitation, il est plus probable que la fiducie et ses bénéficiaires puissent bénéficier de l’exonération sur les gains en capital.
Les responsables de la planification doivent en outre garder à l’esprit que, pour la plupart des fiducies, il y aura une disposition réputée de leurs immobilisations tous les 21 ans. Cela peut créer un problème de liquidités important dans une fiducie qui en possède peu, par exemple si elle est destinée à détenir des actions ordinaires d’une société familiale. Le moyen le plus simple d’éviter cette disposition réputée est de transférer les biens de la fiducie aux bénéficiaires (y compris, potentiellement, à la société de portefeuille) avant l’échéance des 21 ans. Comme nous l’avons déjà expliqué, cela est généralement possible avec un report d’impôts. Les conventions de fiducie doivent être rédigées de manière à permettre une telle distribution, tout en offrant aux fiduciaires une certaine souplesse quant aux bénéficiaires qui acquerront les actions et dans quelle proportion.
2. Autres considérations de planification et possibilités d’assurance vie
Il est important d’envisager des stratégies de planification complémentaires lors de la mise en œuvre d’un gel successoral. Celles-ci peuvent inclure les éléments suivants :
Testaments – tous les membres de la famille impliqués dans un gel successoral, y compris les enfants adultes qui ne sont bénéficiaires que d’une fiducie familiale, doivent veiller à disposer d’un testament à jour cohérent avec la structure globale du gel.
Convention entre actionnaires – une convention entre actionnaires est vivement recommandée chaque fois qu’un gel successoral est mis en œuvre. Celle-ci pourrait entre autres comprendre des dispositions de rachat qui s’appliquent dans diverses circonstances, notamment décès, invalidité, faillite et rupture de mariage. Les adultes bénéficiaires de la fiducie peuvent être parties à l’accord, ce qui leur conférerait des droits et des obligations juridiques s’ils devenaient des actionnaires directs de la société.
Assurance vie – celle-ci peut être utilisée de diverses manières dans le contexte d’un gel successoral :
- Une assurance vie individuelle pour un parent, ou une assurance conjointe dernier survivant pour les deux parents, peut être un moyen rentable de payer l’impôt résultant d’une disposition réputée. La Holdco pourrait être propriétaire et bénéficiaire de la police et payer les primes en utilisant les dividendes non imposables reçus de la fiducie par l’intermédiaire de la société d’exploitation, de la manière décrite ci-dessus. L’augmentation susmentionnée du taux d’inclusion des gains en capital justifie encore davantage le besoin d’assurance.
- Dans certains cas, la valeur totale des actions détenues par le(s) parent(s), et pas seulement l’impôt inhérent, est financée par l’assurance vie. Le produit de la vente pourrait être utilisé pour racheter toutes les actions des parents, créant ainsi des liquidités dans la succession qui pourraient être utilisées au profit des enfants qui n’ont pas acquis d’actions de la société familiale.
- Une assurance sur la vie des enfants adultes qui détiennent des actions de la société d’exploitation pourrait être souscrite pour financer l’achat et la vente d’actions au décès.
- Une assurance personne-clé pourrait être souscrite pour un ou plusieurs actionnaires au cas où un décès inattendu occasionnerait des problèmes financiers pour la société. La somme assurée servirait à indemniser la société pour des pertes financières et/ou à embaucher et former un remplaçant.
Nader Ansary
Vice-président, marchés avancés
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